Métier & meilleures pratiques
Avez-vous déjà remarqué l’ordre dans lequel on présente un menu ? Ou avez-vous déjà porté attention au placement des items à l’épicerie ? Fort est à parier que vous observez plutôt les produits à la hauteur de vos yeux que ceux déposés tout près du plancher.
Les gens qui sélectionnent et choisissent ces positionnements, ordres ou priorités sont des architectes de choix. Des gens ont réfléchi à la méthode dont ils vous présenteraient un élément, ou alors ont conçu un environnement (physique ou virtuel) dans lequel il vous serait nécessaire d’interagir. Et ce faisant, ils ont peut-être planifié incorrectement votre ressenti ou vos préférences.
Être architecte de choix s’impose souvent dès l’implantation, l’idéation d’un concept, d’une bâtisse, d’un objet. Le créateur se doit de faire des choix et bien qu’il consulte des experts, le public et son équipe, l’ensemble de ces personnes feront des choix dès le départ et ces choix auront des répercussions sur la manière dont on interagit ou vit avec le sujet en question.
Cet état “par défaut” peut se traduire aussi par un choix coché par défaut dans un questionnaire, ça vous dit quelque chose le fameux “ Inscrivez-moi à l’infolettre pour recevoir les offres promotionnelles” qu’il faut décocher manuellement ;) ?
Il est tout à fait normal et répandu d’être confronté à des choix qui soient faits initialement à notre place, il serait paralysant de tenter de mettre en place une situation où aucun choix ne serait imposé à personne. Sans ces choix par défaut, on vous donnerait toutes les pièces d’une automobile et vous suggérerait de les placer où vous voulez. Le volant sur la portière ou les pédales actionnées par les mains. D’une voiture à l’autre, la conduite serait totalement différente et avec des taux d’efficacité variable. La grosseur des voitures dépendrait du placement des pièces, elles seraient trop larges pour certaines routes ou trop basses pour certains obstacles…
On est souvent nous-mêmes architectes de choix, sans le réaliser. Prenons une situation hypothétique. Vous et cinq de vos amis vous retrouvez pour tisser des liens et passer un bon moment. Vous décidez de proposer votre maison comme lieu de rencontre, comme c’est convivial et central. Vous décidez alors de proposer des dates. Dans cette proposition, vous êtes architecte de choix. Vous mettrez en place un contexte où vos amis devront choisir en fonction des contraintes ou libertés que vous aurez déterminées. Les dates que vous ciblez initialement sont le contexte par défaut et vos amis font déjà face à un premier tri.
Une fois la soirée arrivée, vous aurez décidé quoi offrir à manger et comment disposer des choix. Si vous présentez les croustilles d’abord, vous mettrez en place une situation où vos amis devront faire le choix de céder à la tentation et limiter (ou non!) leur consommation de “chips”, tandis que si vous décidez que pour leur bien, vous préférez offrir un choix santé, vous limitez leurs options et les contraignez à vos perceptions.
L’objectif ici n’est pas de rendre votre vie plus complexe lors de votre prochaine organisation en soulignant l’ensemble des conséquences de vos propositions, bien sûr ! Rassurez-vous : vos amis, dans ces contextes ludiques, ont toujours la liberté de communiquer leurs besoins ou préférences.
Mais peut-on dire la même chose d’une personne qui vient d’acquérir une maison ancestrale ou d’une infirmière qui doit travailler avec les contraintes physiques de son nouvel hôpital ?
Dans ces contextes, la personne se trouve face à des limitations, choix et obligations qui ont été pensés antérieurement mais auxquels elle ne peut plus répondre aujourd’hui.
Lorsque vous utilisez une application, vous naviguez à travers le “design de choix” d’une équipe qui a réfléchi, brièvement ou profondément, à votre parcours mental et votre bien-être lors de votre expérience d’utilisateur. Eh bien il en va de même pour l’environnement physique dans lequel vous interagissez.
Vous êtes limités par les endroits où vous pouvez aller, mais également dans la manière dont vous interagissez avec les objets, les structures.
Si vous êtes au travail et passez devant la salle de repos et apercevez quelques personnes en train d’y discuter, vous serez plus enclin à vous joindre. Si la salle de repos est à l’écart et opaque, vous avez possiblement moins de chance de vous y arrêter, comme vous ne verrez pas vos collègues déjà sur place. En fait, le fait qu’une salle de repos existe tout court influencera potentiellement votre comportement, perception et bien-être.
Dans un autre ordre d’idées, certaines compagnies ont déjà bâti vos interactions avec leurs systèmes dans le but de vous inciter à rester membre ou à consommer davantage. Dans une certaines mesures, ces compagnies utilisent leur pouvoir d’architectes de choix pour vous inciter à combler leur besoin, à eux. N’est-il pas irritant quand vous tentez de vous désabonner d’un service payant et qu’il faut appeler ou pire encore, envoyer une lettre ? Ces contraintes sont souvent suffisantes à décourager la personne de se désabonner et l’objectif de l’entreprise est alors atteint. Concevoir l’environnement dans lequel vous interagissez, c’est limiter les possibilités et les choix qui sont propres à cet environnement.
Certaines de ces interactions sont pensées dans le but d'influencer positivement ( “nudge” en anglais ) ou négativement votre expérience ( “sludge” en anglais). Le terme nudge signifie simplement de tendre vers une expérience, de là le concept d’influence, qu’elle soit minime ou notable. Lorsque ces interactions sont pensées pour vous influencer à ne pas agir ou à agir à l’encontre de vos propres intérêts, il s’agit plutôt de sludge. Peut-être la nature a-t-elle créé un “sludge” en créant des courges si compliquées à préparer… ou un nudge en créant le cacao avec ses propriétés aussi délectables ?
Il existe aussi un concept que l’on nomme l’affordance qui fait partie intrinsèque de nos vies sans même que nous le réalisions. Lorsque vous voyez une chaise, un banc, un siège, vous comprenez naturellement l’intention du design de l’objet. Vous aurez tendance à utiliser l’objet pour vous asseoir, comme son design le laisse suggérer. Personne ne tient une poêle par la partie chaude ou n’ouvre une porte par les charnières. Ces gestes que vous posez instinctivement ou presque sont une forme d’influence par le design qu’on appelle l’affordance.
Une récurrence entre la forme d’un objet et son utilisation favorise l’expérience de la personne qui s’en sert. C’est bien beau une tasse en forme de flamant rose, mais nous nous sommes habitués à manier la forme plus habituelle cylindrique avec une anse. Ce faisant, chaque personne qui conçoit une tasse plutôt standard nous indiquera son utilité sans même nommer l’objet ou nous indiquer comment s’en servir.
Les architectes du choix ont défini une manière d’interagir avec l’objet et vous y obtempérez sans même le penser.
Nous, ce qui nous tient le plus à cœur, c’est de mettre tout en œuvre pour que l’environnement que nous bâtirons et donc le design de vos choix, soit conséquent avec vos valeurs et soit au bénéfice de votre mieux-être. Nous prédisons, pensons et réfléchissons votre environnement bâti pour qu’il vous aide à vous épanouir, pour qu’il vous facilite la vie ou facilite vos tâches et obligations.
